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Books en série
11 octobre 2020

La revanche des vieilles

Après une période de lecture difficile je me suis rendue compte que je devais simplement changer de genre et me diriger vers de la non-fiction. J'embarquais ainsi pour le Tibet avec Eric Faye et Christian Garcin Dans les pas d'Alexandra David-Néel

Dans les pas d'ADN happy smiley

Pour ceux qui ne connaissent pas cette femme extraordinaire, cette héroïne du XXe siècle fut une exploratrice, féministe, anarchiste et bouddhiste française qui mourut centenaire et prouva à tous qu'une femme pouvait autant qu'un homme.

Ce qui est particulièrement inspirant dans son parcours c'est qu'elle avait 43 ans quand elle commença son aventure indo-tibétaine (qui dura 14 ans) et 69 ans lors de sa seconde grande odyssée en Asie. Dans les années 1910 elle remerciait d'ailleurs son époux (et mécène) de lui permettre de lui offrir une si belle fin de vie. Quelle ironie quand on pense qu'elle vivra encore un demi-siècle et qu'il décèdera bien avant elle.

Cet ouvrage est en partie un roman de voyage - les auteurs racontent leurs périples au Tibet en 2015 puis 2017 et surtout leurs impressions ; en partie une biographie d'Alexandra David-Néel - ou du moins son voyage de 1924 au Tibet de façon non-chronologique puisque les auteurs se sont certes rendus à des endroits clés mais n'ont pas entrepris le même parcours qu'elle.

Bien sûr tout ceci est une excuse pour parler du Tibet des XXe et XXIe siècles de façon très abordable. Eric Faye et Christian Garcin jouent d'humour, d'anecdotes et de confidences pour nous apprivoiser. Bien que leur parcours géographique et les références à Alexandra David-Néel soient la ligne rouge de l'ouvrage, les chapitres ont également chacun une thématique bien définie : les funérailles, la relation panchen-lama et dalaï-lama, Lhassa... J'ai apprécié cet aspect un peu plus didactique qui m'a permis de retenir plus facilement les informations. Qui sait, peut-être pourrais-je un jour briller lors d'un repas grâce aux rites funéraires tibétains...

Info : publié en vo (français) en 2018 aux éditions Stock / publié en poche en 2019 chez Points au prix de 7.20€.

 

 

Les biographies me réussissant bien, j'ai continué avec Moi, vieille et jolie de Sylviane Degunst (qui est d'ailleurs plutôt un texte autobiographique). 

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Quand Sylviane Degunst s'installe à Londres avec son compagnon, elle ne s'attendait pas qu'un casting sauvage lancerait sa carrière de mannequin à 55 ans. La voici passée de l'enseignement aux shootings photos.

Bon, le titre est surtout là pour appâter le chaland, car 55 ans c'est difficilement le 3è âge.

Clairement ce qui a motivé cette lecture c'est la curiosité. Sylviane nous raconte ses journées de travail pas comme les autres et sa vie à Londres. On découvre les dessous du métier de mannequin-photos. On rencontre des personnalités étonnantes. On s'amuse des situations dans lesquelles l'autrice se retrouve.

Le soucis c'est que cette autobiographie a souffert de la comparaison avec Il n'y a pas beaucoup d'étoiles ce soir de Sylvie Testud que j'ai lue plus tôt cette année. Il manque l'humour, la tonalité, la légèreté. Bien sûr Sylviane est charismatique, agréable, vive (on le sent dans ses réflexions), mais le ton et la tournure des phrases ne traduisent pas suffisamment cet aspect. Il aurait fallu être plus sélectif sur les anecdotes et les raconter autrement.

Je regrette également l'aspect moralisateur en filigrane. Le livre encourage à être fier de son âge, affirme l'amitié transgénérationnelle, dénonce les clichés. Et pourtant il est clair dans plusieurs passages que Sylviane n'assume son âge que parce que le temps a été clément (pour le moment) avec elle et ses 1m59/48kg. A 55 ans (ce qui, je le répète, n'est pas vieux) elle peut encore danser ou faire de la moto pendant des heures.
Si elle aime à évoquer ses amitiés avec des personnes plus âgées, leur relation n'est clairement pas celle d'égal à égal. Elle inclut une part de pitié ou du moins de bienveillance condescendante de son côté. Comme elle aime à le dire, voyant peu ses parents elle se rattrape en sortant les vieux qu'elle fréquente (cela est dit plus diplomatiquement dans le livre, mais c'est l'idée), toute en se félicitant d'avoir une mère "jeune" de seulement 17 ans de plus qu'elle. Tout au long de l'ouvrage on se rend compte que, quoi qu'elle en dise, Sylviane admire par-dessus tout la jeunesse, qu'elle associe à l'ouverture d'esprit, la créativité et la cool attitude. Pour quelqu'un qui affirme ne pas vouloir définir les gens par leur âge, il est rare qu'une personne apparaissant dans cet ouvrage ne soit pas désignée par... son âge. 

La vraie ironie ? Que l'autrice ne se rende pas compte de la contradiction flagrante de son récit : si les anglais sont si ouverts aux personnes âgées, pourquoi utilisent-ils une femme de 55 ans pour jouer les grands-mères ?

 Info : publié en vo (français) en 2020 aux éditions Cherche Midi au prix de 17€.

  

Qui n'a jamais entendu parler de Cixi qui régna pendant 47 ans sur la Chine ? C'est une impératrice qui a été, je pense, diabolisée, d'abord parce qu'elle était une femme dans une dynastie patriarcale, ensuite parce qu'elle s'est opposée durant ses années de règne à l'influence des occidentaux en Chine. Nos historiens ne sont jamais tendres envers ces deux types de péchés. J'étais donc intéressée de lire son histoire racontée du point de vue d'une femme, d'autant plus que je n'avais encore jamais lu Pearl Buck. Malheureusement Impératrice de Chine a été une énorme déception.

 

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J'ai eu le sentiment d'une indécision de Pearl Buck sur le caractère de l'héroïne. Cela ressort dès le premier chapitre. Tantôt jeune femme avec un ego surdimensionné et une ambition encouragée par sa certitude d'avoir une destinée grandiose, tantôt pleurant son amour perdu, dépressive, souffrant de sa solitude, avec pour seule ambition de protéger son fils. Si le roman était écrit d'un point de vue  extérieur cela n'aurait pas été gênant puisque tout être humain est ambivalent par définition. Mais la narration est faite du point de vue de l'héroïne. Cette contradiction dans sa personnalité n'a donc pas raison d'être. Il aurait fallu créer un pont. Au lieu de cela Pearl Buck semble refuser tout calcul de la part de Tseu-hi, ce qui semble impossible au vu de ses actes depuis son entrée au palais. En voulant à tout prix nier son intelligence politique, Pearl Buck lui nie également toute profondeur.

Le personnage ne cesse ainsi de se contredire, et cela a de plus en plus pesé sur ma lecture. Affirmant ne penser qu'à son peuple elle dilapide l'argent pour ses loisirs ; responsable de désastre militaire après avoir refusé les conseils de ses généraux, elle les déclare responsables des pertes ; criant haut et fort la suprématie de l'empereur sur tous, elle le fait s'agenouiller devant elle, etc.

D'ailleurs, politiquement ce livre m'a semblé un peu simpliste. Beaucoup d'aspects ne sont pas abordés. Cela le rend peut-être plus facile d'accès, mais lui retire son principal intérêt. Clairement l'autrice n'était pas à l'aise avec cette partie et a pris la décision de mettre en avant la femme plutôt que l'impératrice, ce qui est à mon avis un choix malheureux.

J'ai bien sûr pris plaisir à découvrir la vie des concubines à la Cour impériale de Chine dans la Cité Interdite. Le fonctionnement hiérarchique est assez passionnant et les coutumes mandchoues très parlantes sur la culture chinoise.

Mais soyons honnêtes, en grande partie cette lecture a été une souffrance. Sous la plume de Pearl Buck l'impératrice, qui régna pourtant si longtemps, devient une imbécile ignorante, dépendante d'hommes plus sages et plus forts qu'elle mais qu'elle finit toujours par humilier pour rassurer son ego. Sa tactique préférée ? Celle de l'autruche. Ne rien faire, voir venir et prier. C'est à se demander comment la Chine a survécu à son règne.
Le plus déstabilisant c'est que j'ignore si cela était voulu par Pearl Buck ou si c'est une conséquence de son ignorance des affaires politiques. La question se pose car à chaque chapitre des personnages louent l'intelligence et le savoir-faire de l'impératrice (me laissant perplexe). Moi qui espérais que Pearl Buck rende un peu justice à cette femme méprisée par l'Histoire, je suis horrifiée du portrait qu'elle en a dressé. J'aurais préféré une meurtrière calculatrice à cette idiote capricieuse et arrogante. 

 Info : publié en vo (anglais - UK) en 1956 / Actuellement disponible en poche en français aux éditions Archipoche au prix de 8.95€.

 

 

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