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Books en série
22 janvier 2022

Romans historiques : XXe siècle

Le XXe siècle et ses tragédies ont été la source d'inspiration de nombreux romans, en voici trois qui ne le démentiront pas.

 

J'écris ton nom de Sylvestre Sbille se passe pendant la 2nd Guerre Mondiale, durant l'occupation allemande de la Belgique.

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L'histoire est celle de l'attaque du train en partance de Malines pour Auschwitz le 19 avril 1943 par trois jeunes hommes. Ils permirent à quelques dizaines de personnes d'échapper aux allemands. A partir le de ce fait réel Sylvestre Sbille tire des portraits des personnes ayant participé d'une façon ou d'une autre à cet événement.

L'auteur va très loin dans son appropriation, leur donnant des rêves, des pensées, des valeurs, des fantasmes, des désirs, des caractères... extrêmement détaillés. Trop détaillés à mon goût. Car comment oublier que ces personnes ont existé et avaient de vrais rêves, de vrais vies. Cette façon de se les approprier comme s'ils n'étaient que des personnages de fiction qu'il avait créés m'a beaucoup dérangée.
Par ailleurs cet aspect particulièrement cérébral de construire ses personnages a empêché chez moi l'empathie. Tout ces personnages qu'on retrouve ou pas aux chapitres suivants (beaucoup disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus), disséqués à la pensée près, m'ont souvent fait perdre le fil du roman. A force de détails, à certains moments je me suis vraiment demandée où l'auteur voulait en venir.

A partir de 150 pages j'ai commencé à m'ennuyer, y voyant un cas flagrant de "branlette intellectuelle". J'ai fini par en déduire qu'il souhaitait proposer un panorama des Belges pendant cette période noire de leur histoire - les juifs, les résistants, les collabo - en imaginant les motifs des uns et des autres. Malheureusement j'ai trouvé certains personnages caricaturaux, le plus flagrant étant Kurt Asche, belge travaillant (littéralement) à l'éradication des juifs de Belgique. Laid, pervers, convaincu par la doctrine nazie, antisémite, raciste, misogyne, souffrant d'un complexe d'infériorité, jouissant (littéralement là aussi) d'être en position de domination... bref une caricature qui nie (selon moi) la complexité de l'être humain et de ses motivations.

Si j'ai été jusqu'au bout de ce roman c'est pour la très belle plume de Sylvestre Sbille, lyrique et philosophique. Juste pour le style, je pourrais être tentée de découvrir un autre de ses textes. J'ai également été très intéressée par la thématique de J'écris ton nom, car, avouons-le, en tant que française j'ignorais tout de l'occupation belge. Sur cet aspect je n'ai pas été déçue. La reconstitution historique a répondu à plusieurs de mes interrogations.

Info : paru en vo (français) en 2019 aux éditions Belfond au prix de 17€.

 

Héroïnes de Sarah-Jane Stratford nous plonge dans les affres du maccarthysme, cette chasse aux sorcières que l'Amérique fit subir à ses concitoyens pendant plusieurs années.

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Suite à une délation anonyme Phoebe Adler, scénariste prometteuse, se retrouve balcklistée. Dans l'impossibilité de travailler alors qu'elle a une soeur à charge et sans aucune autre ressource financière, elle décide de fuir à Londres. Elle entre alors en contact avec Hannah Wolfson, une productrice américaine décidée à faire travailler sous anonymat des scénaristes blacklistés.

Ne connaissant rien à cette période ou presque, j'ai été fascinée par l'absurdité et l'hypocrisie de ces actions au sortir de la Guerre. Si officiellement les instances américaines poursuivaient les communistes, ce sont en réalité les afro-américains, les syndiqués, les homosexuels, les juifs, les intellectuels et les critiques du pouvoir en place qui étaient mis au banc de la société, interdits de travailler, ostracisés...

Mais rapidement nous passons de l'autre côté de l'Atlantique. Même si le spectre du maccarthysme est toujours présent à l'esprit des héroïnes, finalement l'histoire se passe surtout dans le Londres des année 50 et le milieu de l'audiovisuel. Pendant une grande partie du livre il est davantage question de voir comment Phoebe va réussir à se faire une place dans un nouveau pays et au sein d'un univers très masculin à une époque où il était suspicieux d'être une femme indépendante et célibataire. Particulièrement friande de séries, j'ai aussi beaucoup aimé assister à des tournages et voir l'arrière du décors des productions télévisées sur lesquelles elle travaille.

Toutefois je m'étais attendue à plus de bienveillance. Les britanniques (à l'exception de trois personnages) y sont mesquins et hypocrites. Phoebe est rejetée par ses collègues pour être américaine et "voler" le travail des anglais, tandis que les mêmes personnes font des courbettes à Hannah, elle aussi américaine mais pouvant utiliser l'argent de son mari pour lancer sa boîte de production. Les américains expatriés ne sont pas guère mieux avec leur ego et leurs médisances, créant un climat de méfiance particulièrement malsain bien qu'un océan entier les sépare des Etats-Unis.

En toute honnêteté je ne comprends pas en quoi ces deux femmes sont des héroïnes. Si Phoebe m'a fait l'impression d'un gentille idiote un peu ennuyeuse, au moins a-t-elle su rester loyale et honnête. Le personnage d'Hannah m'a par contre particulièrement déplu. J'ai détesté la voir exploiter le talent de scénaristes célèbres en les payant au minimum syndical sous prétexte qu'ils étaient blacklistés et se vanter ensuite de se battre pour leur cause. Acculés ils n'avaient pas moyen de refuser les conditions qu'elle leur proposait... 

Info : paru en vo (anglais américain) en 2020 sous le titre Red Letter Days / publié en français en 2021 chez Belfond au prix de 21€.

 

Enfin avec Alabama 1963 de Ludovic Manchette et Christian Niemec, nous partons dans l'Amérique ségrégationniste.

Alabama 1963

Nous sommes en Alabama au début des années 60, alors que plusieurs petites filles afro-américaines disparaissent, la police ne semble pas juger bon d'enquêter. Afin d'obtenir enfin des réponses, l'un des pères engage Bud Larkin, ancien flic devenu détective privé, alcoolique, raciste et désagréable. Adela Cobb, femme de ménage, va se retrouver contre toute probabilité incluse dans l'enquête.

Toute la force de ce roman est dans sa reconstitution historique. Le lecteur se retrouve à l'époque des contestations et marches pacifiques. On y parle de Martin Luther King Jr et Kennedy. Ces disparitions mettent en exergue toute les injustices de cette Amérique ségrégationniste. Mais le pays frémit et le lecteur sent que le vieux modèle arrive à son terme. En attendant, les relations entre les communautés blanches et noires de cette petite ville sont assez choquantes, non seulement par les mots utilisés, mais également dans cette volonté violente de scission (et cela des deux côtés) jusqu'à être intégrée comme une norme qu'il est mal vu (voir tabou) de transgresser.

Dans ce climat conflictuel le roman arrive à faire preuve d'humour grâce au personnage d'Adela. Sa relation avec ses employeurs blancs et ses opinions malicieuses apportent un peu de légèreté au récit. Face à un détective des plus antipathiques, elle devient rapidement la véritable héroïne de ce récit, attachante, pragmatiques et bienveillante. Les dialogues entre les deux protagonistes sont d'ailleurs des plus savoureux.

Attention toutefois à ne pas lire Alabama 1963 comme un livre policier. Ne vous attendez pas à une vraie enquête. Bud est trop alcoolisé pour être efficace. La résolution de ces disparitions, nous la devrons à un aspect plus "fantastique", certes très léger, mais que j'ai trouvé un peu trop facile (en mode "deus ex machina") et finalement décevant pour l'intrigue.

Info : paru en vo (français) en 2020 aux éditions du Cherche Midi / paru en poche chez Pocket en 2021 au prix de 7,60€.

 

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