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Books en série
4 octobre 2021

Apprendre à se noyer - Jeremy Robert Jonhson

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Première lecture de ma rentrée littéraire 2021, Apprendre à se noyer a été un véritable coup de coeur. Quand je le présente je le compare à une rencontre entre Le vieux qui lisait des romans d'amour de Sépulveda et Frère d'Âme de Diop. Toutefois c'est minimiser certaines thématiques qui lui sont propres.

Ce texte est court, 150 pages, je vais donc essayer d'en dire le moins possible sur l'intrigue en vous en donnant uniquement les grandes lignes. Apprendre à se noyer se passe en Amérique du Sud. Nous n'avons ni la date ni le lieu. Notre personnage principal est membre d'une tribu de natifs vivant principalement de pêche et de cueillette. Leur horizon s'étend entre le fleuve et la jungle. Aujourd'hui son fils de huit ans l'accompagne afin de recevoir sa première leçon de pêche. 

Ce roman touche au désespoir d'un père qui va jusqu'à la folie. Or cette folie prend la forme, sous la plume de Jeremy Robert Johnson, d'une extrême poésie, à la fois cruelle et macabre. 

Dans "désespoir" il y a le mot "espoir". Déni, délire ou sorcellerie, envers et contre tout il ne perdra jamais sa détermination. Cet amour paternel, violent, animal, est d'une beauté à couper le souffle. Le lecteur est pris aux tripes par cette quête. Cette histoire nous brise le coeur et le piétine à plusieurs reprises, nous empêchant de sortir indemne de cette lecture.

L'auteur nous envoûte à travers des mots qui se révèlent parfois d'un brutal réalisme nous renvoyant sans cesse à notre mortalité et à son irrévocabilité. Je n'ai jamais été aussi consciente de cette cruelle vérité : quelques minutes peuvent changer une vie de façon irrémédiable. Regret, deuil, déni. Le rythme de la narration, envoûtante, nous perd. Les heures, les jours, les semaines, n'ont plus de valeur. Alors que la journée de pêche est détaillée, les heures indiquées par la course du soleil, à la fin du roman on ignore combien de temps s'est passé. Notre héros vit dans un espace-temps indéfini où la vie et la mort ne font plus qu'un. Cette temporalité laisse le champ libre à tout un aspect surnaturel de croyances amérindiennes inconnues de nous, occidentaux, et que l'auteur ne nous laisse qu'entre-apercevoir. Le lien à la terre, à la nature, aux divers éléments, végétal, minéral et animal, est réaffirmé à chaque obstacle.

L'aspect surnaturel en perdra certains. La narration poétique, davantage dans l'introspection que l'action, ne plaira pas à tout le monde. Personnellement j'y ai vu une métaphore, magnifique et brutale, du deuil impossible, celui d'un parent pour son enfant. Mais que vous soyez ou non embarqué par l'histoire, vous ne pourrez pas passer à côté de la beauté du texte et de son horreur indicible.

Info : publié en vo (anglais américain) en 2017 sous le titre In the River / publié en français en 2021 aux éditions du Cherche Midi au prix de 19€.

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